Rencontre hasardeuse [PV Méliane]

— JOUEUR / JOUEUSE —

Ce devait être la fin de l'après-midi, à moins que la nuit ne soit déjà tombée. J'avais plus trop conscience de l'heure exacte depuis que j'étais accoudé à ce comptoir. Et voilà une journée de plus que passait. Une journée de plus à ne rien faire, si ce n'est me lever le matin, me griller la première clope, boire une rasade de whisky et sortir dans la rue pour y flâner à loisir, juste avant de m'enfiler dans le premier pub que je croisais sur ma route. C'était tombé sur le Chaudron Baveur aujourd'hui. Le temps était à la grisaille, le ciel lourd de gros nuages prêts à éclater en un violent orage. Un temps à rester chez soi. Ou à sortir justement, et se réchauffer avec un bon verre de whisky au coin d'une large cheminée.

Je baissai la tête et saisit la cigarette posée sur le rebord d'un cendrier à moitié plein. A côté trônaient deux verres vides ayant précédemment contenu de ce whisky dont je raffolais tant. Alcoolique, moi ? Sans doute. Ivrogne ? Certainement pas. Certaines personnes se complaisent à dire qu'elles ne touchent pas à une goûte d'alcool alors qu'elles trempent dedans matin et soir. Moi je ne me voile pas la face. Je sais que je suis dépendant de l'alcool et que j'en ai besoin pour me sentir bien. De là à boire quotidiennement au point de ne plus savoir son nom, il y avait une étape. Mais comme dans toute chose qui nous rend accro, on finit par ne plus en ressentir les effets à force d'en abuser. Moi j'en étais arrivé à ce point où le fait d'apprécier un bon verre ou de s'enfiler toute une bouteille n'avait plus grande différence sur mon état physique et psychique. L'avantage était que cela n'apparaissait pas sur moi au premier abord et que je savais faire preuve d'une très grande maîtrise de moi-même en public.

Je jetai un coup d'œil rapide sur l'ensemble de la pièce. Un feu crépitait dans la cheminée au fond et répandait sa chaleur dans tout le pub. Ça et là des tables étaient disposées autour desquelles se réunissaient des groupes de sorciers, les uns jouant aux cartes, les autres discutant des actualités de la semaine, une bière en main. J'étais le seul accoudé au comptoir. Ça ne me dérangeait pas du tout au contraire, j'étais adepte du calme et de la solitude depuis bien longtemps. Si une personne venait à s'asseoir à côté de moi et engageait la conversation je n'allais pour autant l'ignorer. Seulement il était rare que ce soit moi qui fasse le premier pas.

A cet instant la porte d'entrée du pub s'ouvrit, laissant pénétrer une jeune femme dans l'établissement. J'en profitai pour l'observer alors qu'elle avait le regard tourné ailleurs. Une jolie noiraude au teint pâle, presque blafard. Lorsque je vis sa tête changer de direction, j'orientai à nouveau mon regard sur le cendrier. Ma main se glissa dans mes cheveux machinalement. Depuis mon retour à Londres, j'avais eu le temps de me raser à nouveau et de m'offrir une nouvelle coupe de cheveux. J'avais à présent une fine barbe de deux jours. Je gardais cependant mon sempiternel blouson de cuir noir qui me suivait partout, j'y étais très attaché. Une volute de fumée s'échappa de mes nasaux puis de ma bouche.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Cette semaine allait être très différente question scolaire. Meliane avait passé sa semaine à faire des cours de botanique, de potions allait maintenant passer à l’étape suivante; la pratique. Enfin, c’est relatif, elle allait avoir des cours plus spécifiques à son futur travail en fait, soit être enseignant. C’était le professeur Zahkar qui allait lui apprendre le métier –inutile de faire un roman sur toutes les filles qui étaient jalouses d’elle-. Avant cette semaine, elle devait trouver des bézoards. Sa première idée avait été de se rendre sur le Chemin de Traverse, question de voir les boutiques de potions qui où il pourrait y avoir de cet ingrédient. Elle était plutôt contente de cette nouvelle liberté, si elle l’avait voulue, elle aurait pu habiter ailleurs que dans l’école. Elle était adulte maintenant, elle pouvait se permettre de sortir du château sans se faire disputer. Bref. Elle était partit ce matin-là en enfilant une simple robe de sorcier noire, délaissant son uniforme.

Elle avait commencé sa recherche dans toutes les boutiques de potions et, étrangement, elle n’en trouvait nulle part. Une raison obscure apparemment. Bref, on lui avait donné un endroit où aller. Un certain sorcier-fermier, bref, elle allait y jeter un coup d’œil. Cependant son regard tomba sur le Chaudron baveur. Elle avait développé, durant l’été, un nouveau penchant pour le vin. Elle adorait cette boisson qu’elle n’avait plus vraiment le loisir de prendre, surtout à l’école. Cependant, là, elle pouvait se permettre. Elle avait marché toute la matinée, ça lui ferait sans doute beaucoup de bien non? Elle n’eut pas à prendre une heure pour décider, elle entra finalement dans le pub.

Au moins, ce n’était pas de ces pubs miteux avec des gens malfamés, non, c’était chaleureux et disons que le feu était beaucoup plus accueillant que les nuages gorgés pluie à l’extérieur. Elle balaya l’endroit du regard. C’était calme et ça lui convenait parfaitement. Cependant, elle ne pensait pas réellement rester des heures et des heures, donc elle ne prit pas une table, mais préféra se diriger vers le comptoir. Il y avait qu’un seul client au comptoir. Un homme dans la trentaine sans doute. Elle s’adressait au barman qui était à quelques pas, derrière son comptoir, du client.

‘’-Une coupe de vin s’il vous plait, celui de la maison.’’

Elle avait une voix fatiguée, neutre. Cela allait bien avec son teint particulièrement laiteux et les fines cernes qui bordaient ses yeux. En attendant son verre, elle retira sa cape et la posa sur le dossier de la chaise avant de prendre place elle aussi. Elle était à une chaise de distance avec l’homme. Elle l’observa un petit moment, sans être indiscrète bien sûr en attendant son verre.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Et voilà qu'elle venait s'asseoir également au comptoir, la jolie noiraude. Moi qui aurais bien souhaité pouvoir l'examiner plus en détail si elle s'était assise à une table, j'allais devoir me contenter de lui jeter de rapides coups d'œil discrets dans sa direction. Une chaise de libre entre nous deux: le protocole habituel auquel se contraignent les gens qui ne se connaissent pas dans un bar. Alors que je tirais sur ma clope et inhalait de grandes quantités de nicotine, je sentais que la jeune femme à côté s'était prêtée au même jeu désintéressé du "bref-coup-d'œil-furtif". Un sourire s'esquissa sur mes lèvres au moment où je l'entendis commander un verre de vin. Je tournai délibérément la tête dans sa direction et lui déclarai tout-de-go.

« Laissez tomber le vin. Le seul qu'ils servent ici sent le bouchon à des kilomètres. »

Je ne sais pas si le barman avait entendu ma remarque désobligeante à propos de son cru mais lorsqu'il se retourna il me fixa étrangement. Je me contentai de lui passer simplement une nouvelle commande.

« Madame prendra un whisky, et moi pareil. »

Puis je m'adressai à nouveau à la noiraude qui n'avait toujours pas prononcé un mot depuis mon intervention. Peut-être m'avait-elle trouvé présomptueux d'agir de la pareille sorte alors que nous ne nous connaissions ni d'Adam, ni d'Eve.

« Pardon si je vous ai semblé importun mais je préfère savoir que vous dégustez un bon whisky écossais plutôt qu'une rasade de ce mauvais vin au goût indescriptible. »

Puis, ce faisant, je m'avançai d'une chaise pour me retrouver juste à côté d'elle et lui tendis ma main droite alors que l'autre éteignait la cigarette dans le cendrier.

« Shawn Reilly. »

C'était très rare que je me montre à ce point là entreprenant à l'égard de la gent féminine. J'avais plutôt l'habitude de rester dans mon coin et d'observer en silence les allées et venues de la clientèle, tout en prêtant une attention plus particulière aux individus du sexe opposé. Sans doute les deux premières verres déjà liquidés y étaient pour quelque chose.

— JOUEUR / JOUEUSE —

C’est vrai que c’était la première fois qu’elle commandait du vin au chaudron baveur. Elle allait devoir développer son goût et elle était quasi certaine qu’elle allait apprécier. Cependant, son voisin ne semblait pas vouloir que ce jour soit aujourd’hui.

« Laissez tomber le vin. Le seul qu'ils servent ici sent le bouchon à des kilomètres. »

Rien de très agréable comme vin alors? Elle tourna alors son regard vers lui. Un peu surprise que l’homme se manifeste ainsi. Ce n’était rien de bien méchant au moins, c’était presque un sauvetage dans un sens.

« Madame prendra un whisky, et moi pareil. »

Oh, finalement c’était pas simplement un sauvetage pour qu’elle évite un mauvais vin, mais bien pour qu’il ne soit plus seul. C’est bien ça? Elle n’était pas encore très expérimentée dans la vie, mais assez quand même. Enfin, elle ne refusa pas d’une quelconque façon, l’initiation au whisky, ça devait bien arriver un jour n’est-ce pas? Elle était plutôt trop curieuse peut-être…

« Pardon si je vous ai semblé importun mais je préfère savoir que vous dégustez un bon whisky écossais plutôt qu'une rasade de ce mauvais vin au goût indescriptible. »

‘’-Vous n’êtes pas importun, c’est plutôt très sympathique de votre part de m’éviter une horreur.’’

Elle se souciait très peu du fait que le barman puisse l’entendre. Après tout, l’homme en question n’y était pas allé de main morte non plus sur la qualité de son vin! L’homme vint ensuite s’asseoir près d’elle. Finalement, il cherchait un remède à sa solitude. Meliane en était presque sûre. Ça ne la dérangeait pas, discuter ça ne fait de mal à personne après tout. Elle était de passage, aussi bien profiter de ce moment, peut-être qu’elle avoir des travaux par-dessus la tête dans quelques semaines alors!

« Shawn Reilly. »

Elle prit la main qu’il lui tendait. Elle avait une main délicate, en fait, elle avait un visage dur et déterminé, mais il y avait une délicatesse, une petite faiblesse en la regardant. Elle n’était pas très solide physiquement, mais son regard arrivait bien à briser un peu ses allures maladives.

‘’-Meliane Vanguard, ravie Shawn.’’

À quoi bon lui dire monsieur? Ça ne mettrait qu’un malaise inutile et, étant donné qu’il semblait plus vieux qu’elle, elle ne voulait pas qu’il dise madame non plus!

— JOUEUR / JOUEUSE —

Tout en elle paraissait faible, des fins et délicats doigts de la main jusqu' aux frêles épaules où descendaient ses cheveux d'un noir de jais. Seul son regard dans lequel pouvait se lire la détermination d'une femme fragile trahissait une grande force de caractère. Je me surpris moi-même à la contempler plus intensément à présent que j'étais tout proche d'elle, avant qu'elle ne vienne m'ôter de mes songes en me donnant son prénom. Meliane. Très joli. Le nom quant à lui ne me disait rien, jamais entendu, mais peu importe. Je lui adressai un sourire courtois en signe de politesse.

En rentrant dans le pub, elle m'avait paru pas forcément sûre, comme si elle avait hésité à venir s'y asseoir. A moins que ce ne soit que mon imagination. Pourtant, j'étais persuadé que ce devait être une des premières fois qu'elle fréquentait le Chaudron Baveur. C'est clair qu'en comparaison avec moi, elle était carrément novice. Mais la comparaison n'avait pas lieu d'être et j'étais de loin pas une référence. Je me permis néanmoins de lui poser la question.

« Vous v'nez pas souvent par ici, j'me trompe ? En tout cas vous saurez pour la prochaine fois qu'il vaut mieux éviter le vin. »

A propos de vin, voilà que nos commandes venaient d'être posées sur le comptoir devant nous. Deux whiskies. Je pris mon verre et lui présentai le sien. Puis j'avalai une petite gorgée de mon breuvage ambré. J'avais pour habitude le boire d'une traite lorsque j'étais seul. Mais là, mieux valait ranger les vielles habitudes et éviter de montrer à Meliane que j'avais la descente facile. D'autant qu'elle semblait ne pas être une grande amatrice de whisky dans l'âme.

« La meilleure chose à faire, lui indiquai-je, est d'en avaler d'abord qu'une petite gorgée et laisser le palais s'imprégner de ses arômes. Personnellement, j'le connais particulièrement bien c'lui-là de whisky mais c'est toujours agréable de se laisser surprendre par de nouvelles saveurs lors d'une dégustation. »

Allait-elle apprécier ? Possible. C'est quand même difficile d'apprendre à aimer un whisky ou tout autre type d'alcool fort la première fois qu'on en boit. Mais petit à petit, le sens du goût s'affine et permet d'élargir la gamme des saveurs que l'on apprécie. Alors qu'elle s'offrait à l'art de la dégustation, je continuai la conversation.

« J'essaie de vous imaginer en train de faire vos petites emplettes au Chemin de Traverse, panier en main et je trouve que ça ne colle pas trop. D'autant que le temps d'aujourd'hui ne s'y prête pas non plus. Vous n'aviez rien à faire de votre après-midi et vous êtes dit qu'après tout le Chaudron Baveur n'avait pas l'air si mal ? lui demandai-je avec un sourire. »

Bien que ma question semblait totalement désintéressée, j'étais quand même curieux de savoir ce qui avait bien pu l'amener par ici. A la regarder de plus près j'en déduisis qu'elle devait avoir environ la vingtaine, pas tout à fait. Peut-être était-elle tout juste sortie de Poudlard. Allez savoir.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Elle remarqua peut-être qu’il sembla se perdre dans son regard, mais elle resta de marbre. Même si au fond, presque toutes les femmes aiment un peu ce genre de regard, n’est-ce pas? Tant que c’est dans un comportement respectueux et acceptable, elles aiment tout ça. Elle répondit à son petit sourire courtois par la même chose. Elle avait plutôt hâte de tomber complètement dans le monde des sorciers. Bien qu’elle y connaissait tout comme un sorcier de sang pur, elle n’avait pas passé réellement du temps dans le monde des sorciers en dehors de Poudlard et quelques exceptions près. Aujourd’hui, elle sentait qu’elle faisait ce premier pas. C’était tellement différent de reste du monde et ça lui plaisait beaucoup. Sans doute pourquoi elle était sereine avec le fait qu’un parfait inconnu l’aborde ainsi.

« Vous v'nez pas souvent par ici, j'me trompe ? En tout cas vous saurez pour la prochaine fois qu'il vaut mieux éviter le vin. »

‘’-Je n’oublierais pas, ne vous inquiétez pas.’’

Elle eut un rire amusé. Qui s’accentua peut-être un peu puisqu’ils recevaient leur commande. Sans doute que le barman n’appréciait pas qu’on critique son vin de la sorte. Elle prit son verre à la suite de Shawn. Elle était intriguée par la boisson et sincèrement…elle connaissait des gens qui trouvaient cela un peu amer, son père par exemple, n’était pas un amateur de whiskey, il n’aimait pas ça du tout. Mais bon, elle n’allait pas se fier à son père sans y avoir goûté, franchement! Elle alla prendre une gorgée lorsqu’on voisin s’adressa de nouveau à elle.

« La meilleure chose à faire est d'en avaler d'abord qu'une petite gorgée et laisser le palais s'imprégner de ses arômes. Personnellement, j'le connais particulièrement bien c'lui-là de whisky mais c'est toujours agréable de se laisser surprendre par de nouvelles saveurs lors d'une dégustation. »

Elle entreprit donc de suivre son conseil. Une petite gorgée, mais une suffisante pour réellement goûter. Bien sûr, c’était sa première fois, mais elle retint assez bien sa grimace, mais s’était visible, elle n’eut pas l’air complètement idiote. Elle appréciait la douce chaleur qu’elle ressentit dans sa gorge, c’était l’effet que faisait un alcool fort non? Et…le goût du whisky lui plut. Peut-être pas autant que ce qu’elle avait goûté comme vin, mais elle aimait bien. Elle eut un petit sourire, elle ne dirait pas que c’est excellent, mais elle aimait.

« J'essaie de vous imaginer en train de faire vos petites emplettes au Chemin de Traverse, panier en main et je trouve que ça ne colle pas trop. D'autant que le temps d'aujourd'hui ne s'y prête pas non plus. Vous n'aviez rien à faire de votre après-midi et vous êtes dit qu'après tout le Chaudron Baveur n'avait pas l'air si mal ? »

Elle détourna finalement son attention de sûr son verre pour regarder son interlocuteur. Elle-même ne s’imaginait pas très bien panier à la main à faire ses emplettes, pour être honnête. Le commentaire la fit sourire, elle ne semblait pas de ce genre? Elle était intègre, que voulez-vous.

‘’- Vous avez vu presque juste. Je ne faisais pas tranquillement mes emplettes. J’avais une course à faire, bien rapide c’est tout. Je n’ai rien trouvé du …et avant d’aller voir ailleurs, j’ai décidé de venir me…désaltérer un peu.’’

Elle n’était pas menteuse et elle n’en disait pas trop long. Pas parce qu’elle voulait lui cacher qu’elle était élève, mais…parce qu’elle n’était pas du genre à faire un roman pour une question aussi simple. Elle répondrait aux prochaines, ça ferait la conversation.

‘’-Et vous? Vous semblez être un habitué de l’endroit, exact?’’

C’était facile à deviner, il connaissait le vin et parlait du Whisky comme d’un ami ou presque. Son ton n’avait rien d’un ton de reproche, elle souriait même. Son ton était détaché, intéressé aussi! Meliane n’était pas curieuse qu’avec les livres. Elle était une bonne interlocutrice, car elle était réellement dans une conversation, elle écoutait et parlait. Vous savez…il y a des gens qui oublient parfois le moment où il faut écouter.

— JOUEUR / JOUEUSE —

[abandonné]