C'est une maison bleue... [PV: Puck]

— JOUEUR / JOUEUSE —

Je glisse l'oreiller dans sa taie, regonfle le tout grâce à quelques petites tapes expertes et le glisse à la tête du lit, sous les draps propres et frais qui dégagent une agréable odeur de lessive. Je lisse la couverture du plat de la main, me redresse, satisfaite, et contemple le résultat de mon labeur: le bureau de Nick est méconnaissable. Plus de papiers qui traînent, plus de babioles jonchant le sol; d'une baguette experte, j'ai rangé, nettoyé et transformé son capharnaüm en un lieu propre et acceuillant. Ce n'est pas du grand luxe... Les murs sont recouverts d'un papier peint blanc et trivial, orné d'une discrète frise lavande qui court sous le plafond, et l'ameublement est plus que basique: un bureau de bois clair sur lequel trône un presse-papier stylisé et très laid en forme de Sombral - souvenir d'un voyage en France -, devant une grande fenêtre - ouverte, pour aérer -; une étagère, dans le coin à gauche, en contreplaqué blanc, remplie de livres en tout genre - romans, receuils de poèmes, encyclopédies, vieux manuels scolaires -; et enfin, au milieu, occupant une bonne partie de l'espace, un grand lit, propre, frais et confortable.

Je souris, rêveuse. Noah sera bien, ici; des flots de lumière entrent par la fenêtre ouverte, illuminant la petite chambre de fortune et lui donnant un air acceuillant en faisant ressortir la clarté des murs et de la décoration.

Nick n'a pas voulu que nous lui laissions notre chambre; notre invité devra donc se contenter du bureau, et j'espère qu'il en sera satisfait.

Je passe la porte, retourne dans la cuisine et m'accroupis devant le four pour surveiller la cuisson de mon gâteau. Puisque nous sommes face à une situatiopn exceptionnelle, je prends des mesures exceptionnelles: ce soir, tout le monde se régalera d'un délicieux moelleux au chocolat! Il commence à gonfler, et l'air embaume déjà. J'en connais une qui sautera de joie lorsqu'elle rentrera de l'école.

Penser à la joie de Lola suffit à me mettre du beaume au coeur; je me redresse, lève les yeux vers l'horloge qui trône au-dessus de la table. Seize heure trente, ma petite puce sera là d'une minute à l'autre... tout comme Noah Puckerman...

Je suis un peu nerveuse, je dois l'avouer: appréciera-t-il notre demeure? Ce n'est qu'un petit appartement de ville, il n'y a pas beaucoup de place, bien qu'il soit particulièrement lumineux. Et puis, aime-t-il le chocolat?

Bien sûr. Tout le monde aime le chocolat.

Rassurée à cette idée, je m'approche de la fenêtre pour contempler la rue, un peu anxieuse. C'est Nick qui m'inquiète; lorsque je suis rentrée à la maison, samedi soir, et que je lui ai parlé de l'arrivée prochaine de Noah, il s'est mis en colère, me traitant d'idiote, de bonne poire, de Mère Thérésa de pacotille - des mots qui font mal. Mais il s'est vite calmé, et j'ai réussi à lui expliquer la triste situation de Noah, à quel point il a besoin de nous et quelle sympathique personne il est. Le fait qu'il se destine au métier d'Auror a eu un impact tout particulier sur mon mari, qui a fini par se rallier à ma cause.

-Mais je te préviens, s'il fait le moindre pas de travers, je le mets à la porte.

Il avait l'air dans de bonnes dispositions, ce matin, et m'a promis de rentrer tôt. Je l'attends. Je les attends, plutôt... L'homme que j'aime, ma fille chérie, et un garçon que je n'ai vu qu'une fois mais à qui je serais déjà prête à tout donner. L'amour embellit ma vie, et même mon gâteau, bien au chaud dans son berceau Arthur Martin, me remplit de ravissement.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Il était parti rapidement. Très rapidement. Tellement qu'on ne l'avait pas remarqué. Il avait fait ses valises dimanche soir, tout était prêt, il allait repartir le lendemain. Il était épuisé, son corps était incroyablement faible, mais cela ne comptait pas ! L'excitation le maintenait en forme et il aurait pu partir dimanche soir à pied s'il avait voulu. En fait, c'est ce qu'il fit. Anne et sa famille habitait à Cardiff, dans le Pays de Galle. L'Angleterre n'était pas excessivement grande, mais tout de même. Il ne pourrait pas traverser tout le pays à pieds. Ni d'ailleurs avec une telle fatigue. Puck n'était pas un mauvais garçon. Du moins, il ne l'était plus. Il l'avait été, et il s'était promis de ne pas faire de bêtises. De ne pas faire trop de bêtises. Cependant, l'argent lui manquant et la situation l'exigeant, le jeune Puckerman avait du faire appel à la vieille méthode de la fraude pour prendre le train qui l'emmènerait de Londres à Cardiff. Non, ce n'était pas bien, mais il n'avait pas le choix.

Dimanche soir, donc, Puck se trouvait dans la gare de Londres et il trouva rapidement le train qui le mènerait à sa destination le lendemain. Et de-là, il chercha quelqu'un, un homme de préférence. Il devait trouver quelqu'un à qui voler le billet pour en faire une copie. Oui, c'était immoral. Mais il n'en avait cure. Le jeune homme exécuta son plan très rapidement, il suivit un homme dans les toilettes et le frappa juste une fois à la tête, juste assez fort pour qu'il s'évanouisse, pas assez pour qu'il n'ait aucune séquelle. Il s'était tout de même assuré qu'il n'y avait personne ici. Ceci fait, il fouilla l'homme et trouva son billet de train. S'enfermant dans une cabine des toilettes, Puck utilisa sa baguette afin de créer un double de son butin à son image afin de passer sans problème. Il n'avait cependant pas donné son vrai nom, car il aurait pu se faire repérer et ça aurait été assez mauvais pour lui. Je l'ai dit, Puck n'était pas un mauvais garçon, plus maintenant. Une fois le billet copié, il avait remis l'original à sa place, dans une poche de l'homme qu'il avait frappé, s'excusant auprès de celui qui était encore évanoui.

Un peu stressé quant à la réussite de son plan, tout se passa plus ou moins bien. Puck réalisa à l'intérieur du train qu'il n'avait de place attitrée puisque celle qu'il avait copiée était déjà réservée, et il ne voulait pas voler la place du vrai passager. Il restait tout de même une alternative. Ce n'était décidément pas facile de frauder ! Et il devait de nouveau retourner dans les toilettes. Mais cette fois-ci, c'était dans le train. Il devrait y rester au moins le moment que tous les passagers soient placés. Avec un peu de chance, un ou deux manqueraient à l'appel du train. Après une dizaine de minutes, peut-être, après que le train ait commencé à avancer, Puck sortit des toilettes, le coeur serré. Toute cette réflexion et ce stress le fatiguaient encore plus. Il vit qu'à la place où son billet semblait l'asseoir était posé l'homme qu'il avait frappé quelques minutes plus tôt. Prenant son courage à deux mains, Puck s'avança vers lui.

- Excusez-moi, monsieur. Nous avons la même place.

Heureusement, l'homme ne se souvint pas d'avoir vu Puck dans les toilettes de la gare. Après une toute petite discussion, les deux hommes se dirigèrent vers la cabine des contrôleurs afin de régler le problème. C'était une pression presque insupportable pour le jeune homme qui fut rassuré par un contrôleur qui lui dit qu'il s'agissait d'un "problème commun". L'aidant, il trouva finalement une place où personne n'était installé, ou plutôt, où la personne qui avait réservée n'était pas venue... SUCCES ! Puck s'installa et dormit presque instantanément, il s'agit d'un train de nuit après tout.

Le lendemain matin, vers... Dix heures, peut-être, un contrôleur vint le réveiller. Il avait eu du mal, forcément, quelques heures de repos, c'était si rare ! Il aurait pu dormir contre de la pierre. Tout c'était bien passé... C'était incroyable que Noah Puckerman puisse établir un tel plan ! C'était même... Bizarre qu'il ait pu y penser seul. Un coup de pouce du destin, fallait-il croire. Le jeune homme se lança alors à la recherche de la maison de la jeune femme qui acceptait de l'héberger.

Je ne vais pas décrire tout ce que Puck a fait pendant la journée afin de retrouver l'appartement, mais je dirais juste qu'il n'avait pas mangé ce jour-là, en tout cas pas à midi. En début d'après-midi, il s'était installé dans un petit parc et s'était endormi là aussi, pas longtemps cependant, juste assez longtemps pour qu'un enfant lui lance un ballon en pleine figure. Cela l'avait un peu énervé, il avait renvoyé bouler le petit garçon, mais il ne l'avait pas non plus agressé. Quelle heure était-il ? Peut-être... Moui, quinze heures... Il devait se mettre à la recherche de la demeure de la famille Godwin. Demandant ça et là où se trouvait la rue qu'il cherchait, il finit par, au bout d'une heure trente, trouver une rue qui semblait plus habitable que touristique. Ca devait sûrement être par là. Le jeune homme bailla en continuant d'avancer, jusqu'à se faire doucement bousculer. Il regarda en bas et vit une petite fille qui s'excusa, un sac sur le dos. Elle lui disait étrangement quelque chose, et avant qu'elle n'ait pu reprendre sa course vers sa demeure, sûrement, Puck l'interpella.

- Eh ! Tu ne t’appellerais pas Lola ?

— JOUEUR / JOUEUSE —

[HJ: Ouah. J'adore. ♥]

Oh! De mon poste d'observation, j'aperçois, là, au coin de la rue, une adorable fillette aux cheveux noirs qui se hâte joyeusement, un cartable sur le dos. Je m'apprête à lui faire signe; mais dans son enthousiasme, voilà qu'elle heurte un passant. Ah, Lola... Elle est toujours dans la lune... Sa voix claire monte jusqu'à ma fenêtre, je l'entends s'excuser en riant, et ne peux m'empêcher de me dire que personne, pas même le sorcier avec un coeur velu, ne pourrait lui en vouloir lorsqu'elle demande pardon de cette manière.

La voix de l'homme bousculé s'élève alors, et je fronce les sourcils, me penchant un peu en avant pour mieux l'observer... Mais oui! Cette iroquoise brune et ce gros sac de voyage... C'est Noah. Je ne l'avais pas reconnu...

- Eh ! Tu ne t’appellerais pas Lola ? disait le voyageur.

-Ben si, répond ma fille, apparemment surprise, un peu sur ses gardes. Mais comment vous le savez?... Vous... Vous avez des pouvoirs, vous aussi?... Oh! s'écrie-t-elle alors, en plaquant ses mains sur sa bouche. Je sais! C'est vous, Noah, le monsieur qui doit habiter à la maison!

Elle s'anime.

-Maman m'a dit que vous aviez une drôle de coupe de cheveux. On habite là!

Elle pointe du doigt ma fenêtre. Je ne sais pas pourquoi, mais je préfère m'éloigner, et je vais m'asseoir à demie sur le bord de la table. C'est bête, mais je n'ai pas envie qu'ils sachent que je les ai entendus, j'ai l'impression de les avoir espionnés et je n'aime pas ça. J'attends.

Je me demande pourquoi il n'a pas transplané directement devant la porte de l'appartement; j'avais pourtant pris soin de lui donner mon adresse exacte... Oh, il a du trouver impoli de procéder ainsi, et préféré arriver à pieds... Il n'est pas très chargé, pour quelqu'un qui déménage. Mais il est vrai qu'il arrive tout juste des Etats-Unis, et que sa situation financière n'est pas au beau fixe...

J'espère qu'il va mieux que samedi, même si je vois difficilement comment il pourrait avoir eu le temps de récupérer en deux jours de travail. Je devrais peut-être lui proposer d'aller se coucher immédiatement, et le réveiller pour le dîner...

La porte s'ouvre alors violamment, et une petite tornade me saute dessus dans un tourbillon de cheveux noirs. Elle referme ses bras autour de mon cou et je m'efforce de plaquer un bisou sur sa joue, mais elle s'agite tant que j'ai du mal à viser et que mes lèvres attérissent dans son oeil.

-Mamaaaan! Tu m'as fait mal! se plaint-elle.

Mais elle ne me laisse même pas le temps de m'excuser - preuve qu'elle ne doit pas tant souffrir - et enchaîne avec un débit accéléré:

-Le squatteur est là! m'explique-t-elle joyeusement. Je lui ai montré la maison, il arrive!

-Lola! Je t'ai dit qu'il s'appelait Noah... N'utilise pas cette expression, c'est très gênant...

-Mais c'est Papa qui dit ça! réplique-t-elle en haussant les épaules.

Je lui ébouriffe les cheveux et me relève, attendant que notre invité passe la porte, un sourire acceuillant aux lèvres. J'ai un peu peur de l'état dans lequel je vais le retrouver...

— JOUEUR / JOUEUSE —

[Tu trouves ? x) Merci !]

C'était donc bien elle. Il ne s'était pas trompé. Aussi belle que sa mère, pure, innocente et surtout belle. Puck sourit lorsqu'il la vit se rendre compte qu'il s'agissait bien du "monsieur" qui arrivait chez eux. Monsieur ? Il n'avait que 17 ans ! Et son anniversaire ne tarderait pas. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir. Et donc, le jeune homme ne la réprimanda pas. Mais là était la question, pouvait-on seulement réprimander une jeune fille aussi gentille et douce ? Non, c'était mission impossible. En revanche, sa prochaine phrase l'avait fait réagir. Une drôle de coupe de cheveux... A cette réplique, le jeune homme ne put s'empêcher toucher sa crête, fronçant les sourcils puis se mit à rire. Elle était si mignonne. Après qu'elle ait indiqué à Puck leur demeure, elle ralentit, heureusement, pour le laisser la suivre, ce qu'il fit sans mal, puisqu'il n'y avait qu'une seule petite fusée dans cette rue. Cependant, elle dut se dire qu'il pouvait trouver l'étage tout seul car une fois à l'intérieur du hall de l'appartement, elle courut comme une folle vers sa maison, le sac à dos remuant dans tous les sens derrière elle, faisant sourire le jeune homme. Il n'y avait personne, dans le hall, mis à part eux, alors il décida de se faciliter un peu la tâche. Sortant sa baguette, le dernier Puckerman souleva magiquement ses bagages et les fit monter les escaliers tandis qu'il suivait doucement pour atteindre l'étage où une porte était grande ouverte. Il l'avait entendue. C'était une furie, cette gamine ! Elle était entrée comme une tornade et n'était même pas fatiguée d'une journée pareille. Ou plutôt, Puck ne se souvenait plus que ces journées d'enfant n'étaient pas si épuisantes que ça.

Il avait tout de même un peu peur. C'était Anne qui l'avait accueilli, mais il savait qu'en général, c'était l'homme qui dirigeait. Ca avait toujours été comme ça chez lui, et le schéma classique familial voulait que la douceur soit tenue par la mère, et les règles données par le père. Il était l'autorité. Et la question ne se posa que maintenant chez Puck; voulait-il de lui ? Puisqu'il était là, ça devait sûrement être le cas, mais peut-être qu'Anne avait juste réussi à l'agacer assez pour qu'il accepte ? Ou bien qu'il était la clandestinement ? Dans les escaliers, le garçon s'arrêta. Que faire ? En fait, si cette question lui était venue à l'esprit, c'est parce qu'il avait entendu le mot "squatteur". Et ensuite, que c'était le père de la petite Lola qui l'avait appelé comme ça. Mince... Il ne l'aimait déjà pas. Mais c'était Anne qui l'avait invité, pas lui. Et s'il n'était pas content, qu'il aille se faire voir ! Enfin, si Anne le permettait. Puck n'était pas du genre "Je vais tout faire pour qu'il m'accepte", mais plutôt "Il m'acceptera parce qu'il verra que je ne suis pas mauvais". Ca revenait pratiquement au même, mais il ne supportait pas l'hypocrisie.

Arrivant à la porte, le jeune homme leva les yeux, la bouche entre-ouverte, un peu étonné de voir qu'une jeune dame l'y attendait, il sourit, sans que ses lèvres ne tremblent trop cette fois. Il s'avança encore un peu sans passer le pas de la porte, ses pieds étant toujours dehors, il tendit la main pour saluer Anne. Il n'était pas trop malpoli, ou du moins, il ne se permettrait pas de l'être avec certaines personnes. Il n'entra donc pas tant qu'elle ne lui en aurait pas donné la permission.

- Bonjour, j'espère que je ne suis pas trop en avance ?

— JOUEUR / JOUEUSE —

Ah! Noah apparait dans l'embrasure de la porte, laissée ouverte après l'entrée fracassante de Lolita. Je m'avance vers lui; il sourit, restant poliment à l'extérieur, et me tend la main tout en me saluant. Je la serre dans la mienne avec chaleur, satisfaite de constater que sa poigne est un peu plus assurée que la dernière fois. Je parcours son visage du regard, un peu inquiète. Il est cerné, ses traits son tirés et son teint pâle; mais le blanc de se syeux n'est plus veiné de rouge, il paraît plus assuré sur ses jambes et se tient plus droit. Il a sans doute eu l'occasion de dormir un peu, aujourd'hui; et même s'il n'a pas encore totalement récupéré, il est déjà en meilleure forme. Cela me rassure.

-Bonjour, Noah! m'exclamé-je avec douceur. Tu n'es pas en avance, ne t'en fais pas. Entre, je t'en prie!

Je m'efface pour le laisser entrer. La porte d'entrée donne directement sur notre pièce à vivre, qui fait à la fois office de cuisine, de salon et de salle à manger; sur le mur du fond, trois portes ouvrent respectivement sur notre chambre, celle de Lola et le bureau; à droite, près des canapés, une dernière porte permet d'accéder à la salle de bain. C'est vraiment petit, mais nous avons acheté ensemble cet appartement quand Lola a eu deux ans, et par rapport au deux-pièces que nous occupions avant, cet endroit nous paraissait immense.

-Je vais te montrer ta chambre, proposé-je avec un sourire amène. Tu pourras déjà y déposer ton sac...

Lola, qui était si excitée tout à l'heure, semble tout à coup intimidée; elle reste dans son coin, assise sur le rebord de la fenêtre, les bras croisés sur son tee-shirt imprimé. Je n'aime pas la voir aussi réservée; par chance, je sais ce qui pourrait lui rendre sa bonne humeur.

-Eteinds le four, ma puce, lui demandé-je malicieusement, ou le gâteau au chocolat va brûler.

Bingo; son visage s'éclaire, elle s'exécute en poussant un rugissement ravi. J'ouvre, quant à moi, la porte de la chambre-bureau et m'efface pour laisser Noah entrer, le sourire aux lèvres.

-Voilà... Tu seras tranquille, ici... Je te laisse poser ton sac, t'installer; rejoins-moi à la cuisine quand tu auras terminé! Je vais faire du café, et nous pourrons partager le goûter de Lola... J'ai un peu faim, pas toi?

Je mens; en réalité, je me pourrais parfaitement me passer de tartines de Nutella. Mais je sens que Noah, lui, a le ventre vide; il rechignera sans doute moins à manger si je mange moi aussi... Je m'efface, retournant dans la cuisine pour préparer la table du goûter, attendant que notre invité nous rejoigne.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Quelle chaleur dans ce regard, quelle douceur dans cette poignée de main. C'est sûr, il était tombé sur une perle rare. Entrant dans la maison, le jeune homme observa un peu l'appartement. C'était d'ailleurs plus grand que chez lui, aux Etats-Unis. Ses yeux se posant un peu partout, il regarda le petite fille qui semblait toute timide maintenant qu'il était là, il lui sourit. Suivant doucement Anne dans sa maison, il prit une attention infinie à se rien déranger avec ses affaires, entrant dans le bureau, l'observant avec un sourire sur le visage. C'était parfait. On sentait la bonne odeur du frais, le soleil entrait encore un peu par la fenêtre, ce qui voulait dire qu'il ne serait pas éclairé le matin. Tant mieux ? Tant pis ? Il s'en fichait un peu dès lors qu'il pouvait se reposer la nuit. Le lit semblait confortable... Tellement doux, et si accueillant. Il était persuadé qu'y rester cinq minutes lui serait fatal et qu'il tomberait dans un sommeil de cent ans, comme la belle au bois dormant. Sans le baiser du prince, évidemment, quoique la princesse ne lui déplairait pas. La chambre était tout ce qu'il y avait de plus simple, mais une aura s'en dégageait. Une aura qui provenait sans nulle doute d'Anne. Puck s'avança vers l'objet de ses désirs, le lit, y déposant son sac et sa petite valise, comme lui avait indiqué Anne.

- Elle est parfaite. Merci.

Se retournant vers elle, un sourire de reconnaissance sur le visage, il entendit la proposition de la jeune femme. Oui, il avait faim. Mais il n'aurait pas osé demander quoique ce soit. De plus, Puck était connu dans sa famille pour être un estomac sur pattes. C'était tellement dur de le satisfaire lors des repas... Il n'osait pas s'imposer. Sa famille était à peu près aussi importante, hormis la présence de Lola. Il n'avait pas de petit frère ni de petite sœur. Disons que... Si lors des repas, il y avait des restes, ils finiraient dans l'assiette de Puck. Le jeune homme se sentait coupable maintenant... Mais bon, l'argent qu'il paierait au loyer était fait pour ça, pour qu'il n'y ait pas de complications financières pour la famille, notamment au niveau de la nourriture. Enfin bref, il avait faim, donc il ne put s'empêcher d'accepter la proposition de la jeune femme.

- Un peu... Je n'ai pas mangé ce midi.

Oh non... Il n'aurait pas dû lui dire ça, elle allait forcément s'inquiéter, qu'il était bête ! Mais tant pis, c'était sorti. Il devrait faire avec.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Il m'avoue n'avoir pas mangé ce midi. Je fronce les sourcils, plus inquiète que répprobatrice. Décidément, Noah ne prend pas beaucoup soin de lui; dans cet état de fatigue, pourtant, avoir une bonne alimentation est la première des choses à faire. Il va falloir que je le surveille un peu - n'y a-t-il pas une part de volonté d'autodestruction dans sa situation? N'at-t-il pas pu, ou n'a-t-il pas voulu manger ce midi?... Pour le moment, la question n'est pas là; j'ouvre un placard, en sort une brioche entamée, un pot de pâte à tartiner, un verre, deux tasses; je pose le tout sur la table, ajoute une cuiller, sors du réfrégirateur - j'appelle réfrégirateur le meuble de bois à l'intérieur duquel nous avons lancé un sortilège de froid perpétuel - une bouteille de jus d'orange, tandis que sous l'injonction de ma baguette la machine à café s'est mise à officier.

Lolita est étonnamment sage; assise à table, elle ne parle pas, mais adresse par intermittence des regards curieux au nouveau venu.

-Pourquoi tu viens chez nous? finit-elle par demander de sa voix chantante. Pourquoi t'as pas de maison à toi?

Il n'y a pas d'agressivité dans sa voix, juste une pure curiosité; mais je me sens mal à l'aise. Je me frotte les mains, je ne veux pas disputer Lola, qui n'a pas vraiment fait quelque chose de mal; mais je tiens à ce que Noah ne soit pas embarrassé. Je m'empresse donc de changer de sujet avant que mon invité n'ait eu le temps d'être gêné.

-Et comment s'est passé ce voyage, Noah?

La pendule indique dix-sept heures; Nick ne devrait plus tarder, je ne peux m'empêcher d'appréhender un peu son retour.

— JOUEUR / JOUEUSE —

Assis à table, Puck était sûrement aussi gêné que les deux femmes de la maison présente. Il n'était pas chez lui, et malgré son assurance parfois surprenante, il lui arrivait d'être timide ou du moins, de ne pas être assez téméraire pour faire quoique ce soit qui ressemble à une initiative. Continuant à décrire la maison du regard pour se familiariser à celle-ci, le jeune homme se retourna faiblement vers la petite fille qui le dévorait du regard, plus curieuse qu'autre chose, à ses questions, Puck aurait pu lui répondre "Ca ne te regarde pas" ou alors "J'ai mes raisons", mais non, il voulait répondre quelque chose de drôle, quelque chose qui la mettrait en confiance.

- Parce que dès que je t'ai vu, je suis tombé amoureux de toi !

Il rit doucement en regardant la jeune fille, elle était tellement mignonne qu'il ne pouvait s'empêcher de faire une petite blague pour la détendre. Il était clair qu'elle était tout aussi impressionnée par sa présence qu'il était mal à l'aise de se sentir comme un intrus dans cette famille. Alors qu'il finissait de rire, il se retourna vers Anne qui apportait le plateau pour le goûter de sa fille, et d'un coup, Puck se sentit coupable de regarder le goûter en question avec autant d'appétit. Se rendant compte de cette réaction qui lui paraissait vraiment inappropriée, il baissa la tête, espérant que la jeune mère de famille ne l'avait pas vu. Mais bon, qu'aurait-elle pu dire ? Il la connaissait déjà, elle n'était pas du genre à lui reprocher quoique ce soit, si ce n'est de ne pas avoir mangé ce midi... Enfin, quoiqu'il en fût, elle s'adressa à lui. Elle voulait parler du voyage. Le jeune homme eut un sourire en coin, il avait fait un long voyage pour venir jusqu'à Cardiff, ça lui avait pris plus de douze heures de train, mais il avait pu en profiter pour dormir un peu, ça compensait largement. Puis, à la fin de sa question, Puck fit une grimace, il n'aimait pas qu'on l'appelle par son prénom... Ca le perturbait vraiment, pas qu'il ne l'aime pas ou quoi, mais ça cassait un peu l'image qu'il pouvait donner. Noah était un prénom assez "doux", quand on y repensait, deux syllabes, aucune lettre qui était assez dure, juste une seule consonne, s'il on ne comptait pas le H qui ne servait strictement à rien. Tandis que Puck, PUCK quoi ! Ca sonnait beaucoup mieux ! C'était vif, vivant, bestial, ça représentait le côté prédateur du jeune homme ! Ce surnom, c'était la classe ! Il n'y avait rien d'autre à dire.

- Vous pouvez m'appeler Puck ? J'aime pas trop Noah...

Mais en même temps, il se sentait gêné d'obliger une jeune femme aussi douce à l'appeler comme il le voulait. Après tout, elle l'hébergeait, alors si elle voulait se permettre de l'appeler "son petit bichon d'amour au sucre", elle aurait pu... L'aurait-elle fait ? Grand dieu, Puck espérait que non... Mais si c'était à prendre à la rigolade, il n'y aurait sûrement aucun problème. Après cette question qui lui semblait peut-être un peu malvenue, le jeune Puckerman se décida tout de même à répondre.

- Oh, ça allait. Un peu long, le voyage en train, mais j'ai pu dormir.

Repensant à ça, il se rappela qu'il n'avait pas été très honnête avec certaines personnes pour pouvoir venir jusqu'ici, mais bon. Puck espérait juste qu'elle ne lui demanderait pas comment il avait payé les places. Il ne voulait pas lui mentir, mais lui dire que c'était une petite crapule, ce n'était certainement pas le meilleure moyen d'avoir une bonne image de ce jeune homme. Un coup d'oeil et Puck remarqua qu'Anne fixait l'horloge, le moment fatidique allait arriver, en espérant qu'il se passe bien. Peut-être que les craintes du jeune invité se confirmeront lorsque le père de famille passera le pas de la porte...

— JOUEUR / JOUEUSE —

Oh... Il est vrai que j'ai oublié ce surnom qu'il m'a déjà demandé d'utiliser lors de notre première rencontre. Je ne pensais pas que cela lui tenait vraiment à coeur; j'ai cru qu'il m'invitait à l'appeler Puck par pure politesse. Mais apparemment, cette nomination a son importance; je me promets d'essayer d'y penser à l'avenir. Bien que je préfère le prénom de Noah, bien plus doux à l'oreille. Lola, elle, n'a plus pipé mot depuis la plaisanterie de Puck; les joues toutes roses, elle s'est lancée avec application dans la tâche périlleuse qui consiste à recouvrir une part de brioche d'une épaisse couche de Nutella. Elle lui accorde vraiment toute son attention, étalant avec soin la pâte à tartiner avec le dos de sa cuiller. Je souris, attendrie, tout en déposant deux tasses de café fumantes sur la table: ma Lolita ne sait plus comment réagir... je crois que la boutade de Puck lui a fait plaisir. Je m'asseois et m'apprête à proposer de la brioche au garçon - qui semble malgré tous mes efforts gêné à l'idée de se servir de lui-même-; mais ma fille me devance, à ma grande surprise. Elle repose la cuiller dans le pot, s'empare à deux mains de sa brioche tartinée, et la tend à Puck avec un sourire rayonnant.

-Tiens! Je te l'offre! explique-t-elle, les joues cramoisie malgré sa belle assurance.

Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire... C'est adorable. Ce qui n'empêche pas Juliette, ou Iseult, ou Esmeralda, choisissez l'amante transie qui vous plaira le plus, de m'adresser une grimace scandalisée. Je plaque mes mains sur ma bouche, dans un geste théâtral, simulant la plus grande des confusions. Cela semble la satisfaire. Un bruit de pas retentit alors dans les escaliers; léger, pressé, c'est la foulée de Nick, que je reconnaîtrais entre mille. Je souris à Noah, comme pour le rassurer - j'ignore bien pourquoi il serait inquiet, c'est en fait moi-même, par ce sourire, que je tiens à réconforter. La porte s'ouvre, Nick entre; Lola, elle, délaisse momentanément son amoureux pour se jeter dans les bras de son père.

-Papaa! s'écrie-t-elle joyeusement en se pendant à son cou.

-Lola! répond-il sur le même ton.

Il lui plaque un bisou sonore sur le front, lui ébouriffe les cheveux dans un geste affectueux, puis son regard balaie la pièce. Comme toujours, à sa vue, mon coeur s'emplit de ravissement. Il est toujours le bel homme qui m'a demandée en mariage il y a de cela dix ans, traits réguliers, port de tête altier, front large et intelligent, yeux bleus au regard perçant et vif, si élégant dans ce costume moldu gris clair. Il aperçoit Noah, fait mine de ne pas l'avoir remarqué pour fixer son attention sur moi. Souriant, il traverse la pièce , se penche vers moi et ses lèvres se posent contre les miennes. Je suis surprise - heureuse, mais surprise - par la longueur et la tendresse de ce baiser; d'ordinaire, il se contente d'un bisou rapide pour me dire bonjour. Il ne me vient pas à l'idée qu'il fait cela pour s'imposer, pour montrer à Noah qu'il est chez lui, que je suis sa femme, qu'il s'agit de sa cuisine; non, je me contente d'apprécier.
Nos lèvres se séparent, Nick passe sa main dans mes cheveux, comme il l'a fait pour Lola; puis, enfin, il daigne s'intéresser à notre invité.

-Nick, je te présente Noah, Noah Puckerman, énoncé-je, respectant mes devoirs d'hôtesse. Noah, voici Nick, mon mari.

Je souris, ravie par l'apparente bonne humeur de l'homme de ma vie, qui tend sa main fine de pianiste au garçon si musclé. Il le fixe droit dans les yeux, un sourire d'une sincérité discutable apparaît sur son visage.

-Bonjour, jeune homme. Faites comme chez vous.

Je suis ravie - ne distingant pas le léger reproche qui se cache derrière cette dernière phrase.